LUKE & AMARI.
Page blanche.
Page blanche. C’est un problème qui ne lui est pas récurrent, mais qui reste agaçant. Il a beau retourner cette situation dans tous les sens, il ne voit pas comment l’héroïne pourrait survivre à ce qu’il planifie de lui faire subir. En soit, qu’elle meurt ce n’est pas grave. C’est même le but. Mais à la fin. Si elle meurt déjà, la cinquantième page à-peine ébauchée, il n’ira pas bien loin… Elle doit pouvoir survivre sans trahir son personnage. Alors, ces dix dernières pages sont à jeter. Il peut tout rayer et recommencer. Dans un lourd soupir, il attrape le petit tas de feuilles encrées et le déchire. En deux. Il laisse le tout glisser dans la poubelle, près de son bureau.
Il remonte ses lunettes dans ses cheveux et se frotte les yeux. Un rien découragé.
Il s’étire puis se lève. Commence à tourner en rond, dans cette grande maison vide.
Pourtant, son héroïne l’inspire. Il aime son caractère et sa façon de réfléchir. Il aime son style un peu décalé et les mots qu’il lui fait prononcer. Il adore la faire souffrir. La torturer. Qu’elle hurle de douleur et qu’elle s’en aille. Se pensant enfin libre. Il jubile lorsqu’elle tombe dans un nouveau piège. Il a hâte de l’assassiner. Ses mâchoires en frissonnent d’anticipation.
Mais pour le moment, rien. Il se rassoit. Prends un stylo. Et comme les phrases ne viennent pas, il gribouille, dans un coin, une petite hache.
Puis, étincelle, il décide d’envoyer un sms à Luke. Cet autre romancier.
Un verre au Monroe’s Live ? J’y serai dans vingt minutes.
Page blanche, j’ai besoin de souffler.
Amari.
Il appuie sur ‘envoyer’ et rassemble ses affaires dans un porte-documents. Brouillons, feuilles, stylos.
Parler avec Luke pourra peut-être débloquer la situation. Puis, ils pourront toujours discuter de leurs projets respectifs.
Il attrape ses clefs et claque la porte.
Le bar n’est pas blindé, ce n’est pas encore une heure de grande affluence.
Il commande une bière et va s’asseoir, attendant que Luke arrive.